Réflexion d’un herboriste Au nom du réalisme économique, force est de constater que le respect du vivant, l’érosion de la biodiversité , l’exploitation irraisonnée des ressources de notre planète , le changement climatique et le fléchissement de la santé des sols sont passés au second plan des débats politiques de cette année de campagne présidentielle 2012. La plupart des discours écologistes visent tout au plus à répondre à court terme à des problèmes environnementaux quand ils ne sont pas accompagnés d’un propos moralisateur et culpabilisant, alors que les véritables enjeux sont planétaires et nécessiteraient une vision claire à long terme. La légèreté avec laquelle nous continuons à ne pas nous soucier du lendemain est pathétique : sommes-nous inconscients à ce point ? L’ivresse de la surconsommation et la croyance inflexible en un moteur unique appelé croissance économique nous privent elles de toute forme de lucidité ? La véritable urgence : rétablir le lien A ce stade, il est peut-être utile de se poser les bonnes questions : Qu’est ce qu’une vie humaine réussie ? Suis-je relié de façon authentique à l’ensemble du vivant ? Suis-je capable d’avoir une vision claire et cohérente de la Vie et de sa dynamique évolutive ? Notre société « moderne » est née d’une certaine vision du monde, une vision parmi d’autres, elle est le fruit d’un ensemble d’idées, de conceptions, de croyances et de dogmes .Il ne sera pas question ici de porter un jugement mais de s’en tenir aux faits. Selon certains auteurs, le monde moderne serait né d’une immense peur de l’anéantissement. En réponse à cette angoisse existentielle, nous avons cherché à bâtir un monde sécurisé en le réduisant en éléments isolés et contrôlables. A l’origine et chez les derniers peuples chasseurs cueilleurs, les représentations de la nature sont celles d’un monde sans clivage entre minéral, végétal, animal et humain. Notre civilisation occidentale s’est efforcée de se séparer de l’état de nature, permettant ainsi l’émergence de l’individu mais en créant du même coup une conscience fragmentée. A partir du XVIIème et surtout au XVIIIème siècle, la nature est considérée comme hostile et la « mission » de l’homme est de la contrôler et de la dominer. Aujourd’hui encore la croyance que la terre est destinée à être exploitée pour le bien-être de l’humanité sous –tend la plupart des activités humaines. Dans notre monde moderne, nous avons inventé la nature comme objet à contempler. L’usage du mot « environnement » suffit seul à démontrer la rupture du lien avec le monde naturel. Les plantes sont décrites comme des réservoirs de principes actifs tout comme le malade, porteur d’une pathologie, est devenu l’objet d’un savoir médical. L’idée que le monde vivant, des virus aux baleines, soit partie intégrante d’une entité plus vaste et autorégulée appelée la Terre est totalement étrangère à la majorité de nos contemporains. Pourtant, notre survie dépend de la façon dont nous définirons notre nouvelle relation avec la Terre. Si l’Univers semble infini, à l’échelle de notre système solaire une fraction infime de la matière a pu atteindre des niveaux élevés d’organisation. La Terre qui nous nourrit et nous fait vivre est un espace restreint et précieux dont nous sommes les gardiens. Pour la première fois de notre histoire, il nous appartient de faire le choix conscient d’une autre vision de la vie où la croissance ne se réalise plus uniquement dans l’accumulation de biens matériels mais dans le rétablissement d’un lien authentique avec la chaîne du vivant. Nous, les herboristes, en tant qu’artisan du végétal, sommes les héritiers des peuples «racines », des indiens, des chamans. Nos préparations à base de plantes peuvent œuvrer à la guérison d’autres êtres vivants mais elles peuvent aussi participer au ré enchantement de la vie. Car, plus que des décisions politiques, changer notre regard sur ce monde et partager l’essentiel nous parait plus important pour insuffler un nouvel imaginaire et faire émerger une vision porteuse de sens pour tous. Gilles Corjon Extrait et résumé de la conférence : « les fondements de nos sociétés sont ils contre nature ? » Pour prolonger cette réflexion allez vous promener sur la Toile: le blog d’herbalisme sans frontière les herbes sourcières et si vous lisez l’anglais la magnifique revue Plant Healer