Les bactéries lactiques du miel frais : une alternative aux antibiotiques ? Gilles Corjon – Le miel connait un regain d’intérêt de la part des chercheurs en raison de ses propriétés antiseptiques . Le miel récolté à l’état sauvage par les « chasseurs de miel » est utilisé depuis des milliers d’années pour soigner de multiples infections et en particulier les plaies. Mais quelle est l’origine de ce pouvoir antiseptique ? Pour être conservé, le nectar des plantes qui contient jusqu’à 50% d’eau est tout d’abord déshumidifié par les abeilles grâce à des régurgitations successives ( trophallaxie) pour atteindre un taux d’humidité de 17% en moyenne. Associé à un pH acide et à un fort taux de sucre, ce phénomène contribue à empêcher la croissance des bactéries non désirables mais il n’explique pas tout. La présence de protéines (inhibines) qui freinent la croissance de ces bactéries et viennent renforcer les mécanismes immunitaires participe également au caractère antiseptique du miel. Des chercheurs suédois de l’Université de Lund proposent une autre explication : ils ont identifié un groupe unique de 13 espèces de bactéries lactiques présentes dans le jabot des abeilles et que l’on retrouve dans le miel frais. Ces bactéries appartenant au genre Lactobacillus et Bifidobacterium produisent une importante quantité de composés antimicrobiens qui peuvent inhiber le développement des bactéries indésirables ou pathogènes. Des tests réalisés in vitro au laboratoire ont nettement démontré l’activité bactéricide de ces LAB ( Lactic acid Bacteria) vis-à-vis de pathogènes comme le MSRA (Methicillin resistant Staphylococcus aureus) ou le VRE ( Vancomycin resistant Enterococcus). Mélangés à du miel et appliqués directement sur des plais persistantes chez des chevaux , ces LAB ont permis une cicatrisation rapide alors que d’autres traitements avaient échoué. D’après Tobias Olofsson et Alexandra Vasquez , ces bactéries lactiques ne proviennent pas des fleurs butinées par les abeilles mais sont résidentes dans le jabot des abeilles.Cette association symbiotique s’est développée avec les abeilles au cours de leur évolution depuis sans doute plus de 4 millions d’années. Le plus remarquable est le fait que ces bactéries sont capables de fabriquer un grand nombre de substances équivalentes à des antibiotiques comme l’acide lactique, l’acide formique, le peroxyde d’hydrogène qui sont susceptibles d’éliminer ou d’inhiber une multitude de microorganismes indésirables ( bactéries pathogènes,levures, moisissures). L’activité antibiotique de l’ensemble de ces substances pourrait se révéler supérieure aux antibiotiques classiques constitués d’une seule molécule active. Cependant, si ces bactéries lactiques sont bien présentes dans le miel frais ( avec plus de 100 millions de bactéries lactiques vivantes par gramme de miel) ce n’est plus le cas de la plupart des miels vendus dans le commerce. Une autre possibilité pour bénéficier des vertus antiseptiques serait de consommer du pain d’abeille ou du pollen frais qui contiennent également un grand nombre de bactéries lactiques. Ces observations sont importantes pour les pays en voie de développement où l’accès aux soins est difficile mais où l’accès au miel frais est possible, mais également pour les pays industrialisés confrontés aux phénomènes de plus en plus sérieux d’antibiorésistance. pour en savoir plus: http://www.med.lu.se/labmedlund/medical_microbiology/research/alejandra_vasquez