C’est quoi la BIO aujourd’hui ? Photo Agence BIO – Quand j’ai commencé mon activité commerciale dans le secteur de la distribution en magasin de diététique, l’agriculture biologique avait quelque chose de « confidentiel » et l’on en parlait comme d’une chose à laquelle on devait « croire ». Cela s’apparentait à un acte de foi, proche du religieux… D’ailleurs, il y avait ceux qui adhéraient et les autres qui haussaient les épaules et taxaient les magasins de diététique de doux rêveurs et de farfelus. Mais une chose est certaine, c’est qu’on ne pratiquait pas la « bio » par opportunisme mais parce que cela tenait à un véritable engagement moral. Cependant, les choses ne sont plus les mêmes ; les grosses entreprises multinationales qui dominent le commerce alimentaire dans son ensemble ont bien changé d’avis sur les produits biologiques quand ce secteur a été l’un des seuls en progression ces dix dernières années. Non seulement, ils ne considèrent plus la « bio » comme une menace à combattre mais comme un marché en pleine croissance à conquérir. Ces toutes dernières années, les compagnies semencières ont proposée une négociation que l’on peut résumer ainsi « Nous vous fournirons en semences biologiques si vous nous garantissez un marché en obligeant les agriculteurs biologiques à utiliser nos semences. » Cependant, n’est-ce pas une manière de verrouiller la bio comme on l’a fait avec l’utilisation des OGM ? L’intention n’est pas dépourvue d’intérêt pour les multinationales qui pourront assurer leur contrôle au détriment des petits agriculteurs et de la majeure partie des consommateurs. Les gros semenciers reluquent sur le bio Le rapprochement entre le mouvement de l’agriculture biologique et l’industrie semencière internationale est apparu très clairement en 2003, quand on a appris qu’une conférence sur les semences biologiques était animée à la fois par l’IFOAM (international federation of organic agriculture movements) et par la Fédération internationale des semences (ISF). Comment les promoteurs de l’agriculture biologique en sont-ils venus à s’allier à l’agence centrale de lobbying des géants de l’agro-business ? Ce sont précisément ceux-là même qui veulent s’approprier le vivant tout en étant aussi les instigateurs des OGM ? Un tel rapprochement n’est-il pas simplement la preuve que la bio est en train de perdre ses valeurs. On peut lire dans un compte rendu de cette rencontre : « L’adoption récente de réglementations, à la fois en Europe et aux Etats-Unis, liée à l’obligation d’utiliser des semences biologiques en agriculture biologique certifiée, comporte des implications différentes pour les petits agriculteurs habitués à conserver et à échanger des semences de variétés locales et pour les gros agriculteurs habitués à acheter les semences de variétés modernes adaptées aux critères des canaux de distribution des supermarchés. Cette nouvelle situation exige une meilleure compréhension et davantage de coopération afin de faciliter le développement de l’agriculture biologique. » La réunion était clairement orientée vers la discussion sur la manière de produire des semences correspondant aux nouvelles réglementations. La question de savoir si ces réglementations sont favorables ou non à l’agriculture biologique n’a même pas été abordée. Il risque d’y avoir un mariage forcé entre les entreprises semencières et les agriculteurs biologiques partout dans le monde. Affirmer que ce développement puisse avoir des «implications différenciées» pour les petits agriculteurs utilisant diverses semences locales et pour les gros agriculteurs cultivant des monocultures biologiques est le dernier des soucis pour les financiers des gros semenciers. La pression actuelle pour la certification des semences biologiques pourrait facilement empêcher les systèmes de semences à la ferme d’avoir accès aux marchés biologiques, et livrer l’approvisionnement en semences de l’agriculture biologique aux mains de quelques grosses entreprises de l’agriculture conventionnelle et transgénique qui voient les semences biologiques comme une nouvelle opportunité de marché à « forte valeur ». Les prix des semences vont certainement augmenter en même temps que la diversité génétique diminuera, car ces compagnies semencières se concentrent sur le développement des hybrides et autres variétés uniformes. Et surtout, cela entraînera davantage l’agriculture biologique sur la voie de l’agriculture industrialisée et orientée vers l’exportation, rendant encore plus difficile la participation des petits agriculteurs. Le monde de la bio serait-il pris en otage ? Plutôt que de croire à ce type de schéma de certification des semences biologiques soutenu par les entreprises multinationales, le mouvement de l’agriculture biologique doit plutôt s’engager dans la défense de l’utilisation des semences développées localement et riches en biodiversité qui sont entre les mains des agriculteurs. La majeure partie de l’alimentation biologique est produite dans le monde par les petits agriculteurs et n’est majoritairement pas certifiée comme biologique. Des millions d’agriculteurs pratiquent ce que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) appelle l’agriculture biologique non certifiée », basée sur une diversité de semences remarquablement riche entretenue par des systèmes d’échange et d’amélioration des semences au niveau local, des savoirs traditionnels et l’engagement actif des communautés rurales. Ces systèmes produisent non seulement l’alimentation pour plus de la moitié de la planète, mais ils sont aussi souvent plus productifs et durables. Cependant, n’oublions jamais qu’actuellement c’est l’argent qui mène le monde et ne soyons pas dupes avec le « bio ». Acteur-nature vous invite à la plus grande vigilance. Le monde de la bio n’est plus celui que j’ai connu au début de mon activité. Les entreprises que nous côtoyons et qui sont nos partenaires, objets de nos articles, sont encore heureusement à taille humaine et pas « inféodées » aux compagnies semencières. Le ver est déjà dans le fruit Le marché annuel global des produits alimentaires et des boissons biologiques représente une valeur de près de 30 milliards de dollars, avec un taux de croissance international qui va de 15% à 22% par an, alors que la croissance moyenne de l’ensemble des produits alimentaires et des boissons est de 2 à 6% par an. Il faut donc bien mesurer l’enjeu ! Toutes les multinationales de l’alimentaire s’intéressent aux produits biologiques. Le grand groupe de supermarchés Wall-Mart avec ses 4000 magasins aux Etats-Unis et plus de 2200 dans le reste du monde, s’est récemment lancé dans les produits biologiques. Les deux plus grosses chaînes de supermarchés du Royaume Uni, Tesco et Sainsburs, ont déjà chacune 30% des parts du marché des produits biologiques dans le pays, et ont créé leurs propres réseaux d’approvisionnement et de distribution, remontant toute la chaîne jusqu’à la ferme et pesant sur la production biologique sans tenir compte de l’endroit où elle se situe. Et cet endroit est très souvent dans le Sud: pas moins de 83% des fruits et légumes biologiques vendus au Royaume Uni sont importés des pays du tiers-monde. Je tairais ce qui peut se faire en France car la grande distribution récupère la « bio » comme, en d’autres temps, elle s’est appropriée d’autres réseaux. Le dernier qui fait encore de la résistance étant celui de la pharmacie. Que dire du réseau des magasins de diététique ? La aussi, les distributeurs indépendants de la « bio » comme « Relais vert » « Vitafrais » « Priméal » « Pural » « Celnat » « Lima »font de la résistance…. Cependant, certaines sociétés qui s’affichent en « bio » et diététiques sont entre les mains de financiers ou de holdings qui n’ont aucun état d’âme pour l’univers du bio, tant que cela rapporte… Pour terminer, il nous fallait avoir un petit coup de cœur pour une entreprise familiale allemande qui fabrique encore d’après les critères qui nous font si chaud au cœur, il s’agit de Taïfun. C’est un exemple comme il en reste encore. Nous n’aurons de cesse avec Acteur-Nature de vous vanter (le mot n’est pas trop fort !) les mérites de ces societés artisanales dont les dirigeants et les employés aiment ce qu’ils font. Le mot artisan étant pris dans le sens de celui (PME et très petite entreprise) qui aime ce qu’il fait en contribuant au bonheur et à la santé humaine. Pour ces hommes, l’argent est une récompense, pas un but… Bernard Burlet