C’est quoi un magasin de produits diététiques ? C’est en Allemagne qu’il faut aller en chercher le sens ! Les premiers magasins de diététique virent le jour en Allemagne à la fin du XIXème siècle et prirent le nom de Reformhäuser qui pourrait se traduire par « magasins de produits de réforme ». Regroupés en 1927 au sein de l’Association Neuform, ils se positionnent sous une vraie enseigne commune. En fait la démarche qui prévalait était la suivante : -il y a urgence à changer d’alimentation. Il vous faut faire une réforme de votre diététique. Le docteur Vogel en 1923 était dans cette mouvance ainsi que Max Steidle, créateur de la societé Biokosma en 1935. C’est dans ce type de magasin qu’on vit le développement des tous premiers compléments alimentaires dignes de ce nom. A ce sujet, en regardant cette semaine l’émission « Enquêtes de santé » sur France 5, on avait l’impression, mais c’est pas nouveau, que les compléments alimentaires n’étaient vendus que dans les pharmacies, grandes surfaces, parapharmacies et internet…C’est étonnant, ils n’ont jamais entendu parlé de l’existence même des magasins spécialisés en diététique. Ceux-ci n’ont toujours pas droit à être seulement cités. De toute manière, si c’était le cas, ce serait pour être classés totalement incompétents ! Pourtant, ils en sont les précurseurs depuis plus de 70 ans. L’enquête en caméra cachée sur la compétence des pharmaciens dans ce domaine a montré que, dans très peu de pharmacies, il avait été répondu correctement aux contre-indications formelles à la prise de millepertuis !…Toujours dans cette même émission, il ne semblait y avoir à Grenoble qu’un spécialiste herboriste, heureusement une pharmacie, pour conseiller les grenoblois. Ceux qui connaissent cette ville savent bien qu’on peut y trouver depuis longtemps d’autres spécialistes compétents en herboristerie et compléments alimentaires. La vérité c’est que ce sont eux, dans toutes les villes de France, qui se sont battus, le mot n’est pas trop fort, pour faire connaitre les compléments alimentaires. Rendons leur cette justice. Après cette parenthèse, continuons notre histoire. L’agriculture biologique n’existait pas encore, cependant les produits qu’on trouvait là étaient d’une qualité irréprochable et allaient tous dans le sens d’une meilleure santé…. En fait, ce n’étaient que des boutiques vouées à la santé naturelle… Quand la bio fit son apparition Dans les années 1970, on vit l’explosion d’un nouveau type de magasins de tendance militante écologique, les Bioläden avec l’intrusion des produits issus de l’agrobiologie. Directement liés au mouvement militant « alternatif », ces Bioläden offraient des produits frais, issus des exploitations agricoles locales, des céréales en vrac, du pain complet, des produits végétariens… ainsi qu’une importante littérature militante. Leur nombre atteignit le millier dans les années 80-90, alors que les supermarchés traditionnels et autres grands magasins généralistes (Kaufhäuser) commençaient aussi à proposer des produits bio. Les premiers supermarchés bio (Bio-Supermärkte) apparurent alors, avec des rayons spécialisés bien garnis (pain, viande, fromage à la coupe…), conjointement à une compétence de vente croissante, bien que concernant surtout l’alimentaire, la cosmétique étant restée longtemps la portion congrue de l’assortiment, sans parler des compléments alimentaires, peu, voire pas présents, car peu en phase avec « l’esprit bio ». Si les produits alimentaires vendus doivent bien sûr y arborer le logo bio européen, très souvent ils affichent en plus le logo de certifications typiquement allemandes, auxquels viennent s’ajouter des critères spécifiques, comme Naturland, Bioland ou Demeter. Et la France dans tout cela ? Dans les années 1950 en France, le magasin de produits naturels portait le nom de « magasin de régime ». Cela laissait supposer qu’on pouvait se refaire une santé en adoptant un autre régime. Il existe encore par ci, par là des enseignes qui arborent encore ce slogan ! Les diabétiques allaient chercher leurs pâtes au gluten «Brusson», et le sucre qui semblait leur convenir : le fructose. Les hypertendus venaient faire provision de produits hyposodés. Bien des magasins de diététique avaient un rayon d’épicerie fine comme la marque de produits Bonneterre qui, en 1963, distribuait des produits qualitatifs haut de gamme mais non biologiques. Déjà, les végétaliens avaient leurs points de vente avec les minuscules boutiques « La vie claire » que l’on trouvait sur tout l’hexagone. On pouvait parler de magasin de réforme alimentaire pour quand bien même ils n’étaient pas structurés comme leurs homologues allemands. Au milieu des années 1960, la Macrobiotique fit son apparition en France. Des fournisseurs comme le « Domaine de Longchamps » et « Lima » commencèrent à fournir des produits spécifiques provenant du Japon. Certains « anciens » parmi nos lecteurs auront le souvenir des fameuses dragées Mono et des jus Kneipp ou Schönenberger (actellement jus Salus). C’est peut-être la société « Vitagermine » qui eut la bienheureuse initiative de mettre au point des compléments alimentaires assez originaux pour l’époque… La révolution de mai 1968 Dans les années 1970, comme pour l’Allemagne, la génération montante ne voulait plus d’un système de consommation dite « productiviste ». L’écologie prit son essor et avec elle, comme pour l’Allemagne, des « bioläden » à la française virent le jour. Souvent, ce furent des personnes jeunes qui développèrent dans leurs points de vente les tous premiers produits issus de l’agriculture biologique. Ainsi des salons comme « Primevère » à Lyon illustrent parfaitement l’esprit qu’un magasin lyonnais donnait à son point de vente d’alors : « les prolos de la bio ». Cette période était bon enfant, même s’il existait çà et là des petits accrochages entre les « anciens » qui ressemblaient aux reformhäuser et les nouveaux plus proches des « bioläden ». Cependant, très rapidement, le magasin de produits diététiques prit une forme hybride, une sorte de mélange des deux genres. Cette impulsion on la doit à des personnages comme Jean-Louis Klein qui, en prenant la direction de la société Fink, impulsa la vente des produits de la ruche comme la gelée royale, le pollen et la propolis qui devinrent les « locomotives » de tous les points de vente… Dans les années 1980, il y avait une multitude de petites structures artisanales qui fournissaient soit des aliments biologiques, soit des compléments « faits maison ». Ainsi les établissements Diétaroma mirent au point un ensemble de produits à partir d’un levain de vie et de plantes aux qualités vraiment surprenantes. De même, René Haussin père de Super Diet, mit au point son pur jus de radis noir et une multitude de plantes en gélules dont le succès ne s’est jamais démenti au fil du temps. Rappelons seulement que cette société fut créée en 1961 ! Le tournant des années 2000 Les années 2000 virent l’apparition d’un phénomène nouveau : l’intérêt pour le phénomène environnemental à une échelle planétaire. Les notions même de « bio » qui se cantonnaient aux seuls magasins désignés comme tels devinrent « tendance » et avec cela la grande distribution a très bien compris « le profit » qu’elle pouvait tirer d’un autre type de comportement. Le grands « groupes pharmaceutiques », quant à eux, ont « créé ? » des compléments parfois formulés comme des médicaments et pas forcément faits à partir de molécules naturelles. La bio est-elle est train de perdre ses valeurs ? C’est en tout cas cette question qu’il faut réellement poser alors que nous assistons en ce domaine comme en d’autres à une mondialisation d’un style d’alimentation qui est non conforme à la santé générale. Les magasins de diététique et Bio ont un vrai besoin de faire valoir leur identité qui est celle d’une très grande authenticité. Le réseau de ce type de magasin est riche d’un patrimoine culturel, éthique et moral qui, par les temps qui courent, fait chaud au cœur. Le lundi 21 mars, à Nantes, les magasins de diététique de l’ouest-Bretagne sont conviés à une rencontre tout à fait exceptionnelle. Lire notre article « Une convention d’affaires Bio et Diététique à Nantes » et « Des passions et des hommes » L’enjeu est de faire front, ensemble, aux nouveaux défis qui arrivent dans les années à venir. Le fait de retrouver les fournisseurs qui partagent de vraies valeurs dans le sens d’une réforme alimentaire bio, voilà quelque chose qui fait plaisir à partager. Bernard Burlet et Roland Reymondier