La necessité de la décroissance Photo source Wikipédia – «Un monde de demandes sans cesse croissantes n’est pas seulement d’une nature mauvaise, il devient tout bonnement l’enfer» Ivan illich Une société sans école 1970 La pensée d’Ivan Illich après mai 1968 Dans les années 1970 Ivan Illich a connu un énorme succès parce qu’il avait l’audace d’une pensée issue en droite ligne de la philosophie de mai 1968. Les analyses qu’il met de l’avant prennent pour cible les notions de progrès et de croissance des sociétés industrielles avancées. Illich montre que le toujours plus débouche sur la mise en place de bureaucraties monopolistiques et sur la réduction du citoyen au statut de consommateur. Illich porte un regard radicalement critique sur le monde qui l’entoure. Il remet en doute ce qui est considéré comme allant de soi. Pour lui, la société industrielle et les institutions qui la composent (l’éducation, la médecine, les moyens de transports…) ne constituent pas des modèles de développement. Au contraire, elles sont incompatibles avec la société conviviale qu’il appelle de ses vœux, c’est-à-dire une société dont les fondements sont la recherche perpétuelle de l’épanouissement de tous les Hommes et non d’une minorité. Illich explique dès les années 1970 que la généralisation du mode de vie occidental dans les pays du Sud est à la fois impossible financièrement et contre-productive humainement. Le constat actuel Comment aujourd’hui ne pas voir l’ampleur de cette profonde injustice qui frappe l’humanité ? Les 300 plus grandes fortunes du monde gagnent autant que tous les autres hommes réunis sur la planète. La destruction de l’environnement par et pour la recherche du profit maximal ? Illich a toujours critiqué la surabondance, vantant les mérites de « la joie dans la sobriété » et de la recherche de « rendement social » plus que de « rentabilité industrielle ». N’assistons-nous pas actuellement à ce qu’il redoutait le plus : la perte de sens et d’autonomie dans l’existence de l’Homme ? « Le progrès est une idée très récente… par ce-soir-ou-jamais Némésis médical : expropriation de la santé C’est dans un essai, écrit en 1975, qu’Illich décrit comment l’entreprise médicale s’est imposée comme un incontournable dans notre société. Pour ce philosophe, la critique de la médicalisation et du système dans lequel elle se développe n’est qu’un exemple parmi d’autres de l’institution industrielle. Illich n’y va pas de main morte et affirme derechef que l’entreprise médicale est devenue un danger majeur. 1 Les sociétés nanties d’un système médical très coûteux sont impuissantes à augmenter l’espérance de vie sauf pour la période prénatale 2 l’ensemble des actes médicaux est impuissant à réduire la morbidité globale. 3 Les actes médicaux et les programmes d’action sanitaire sont devenus les sources d’une nouvelle maladie : la maladie iatrogène. C’est-à-dire toutes les conséquences néfastes engendrées par les soins professionnels dans leur ensemble. Pour Illich, c’est l’épidémie la plus importante qui soit et cependant la moins reconnue. 4 les mesures prises pour neutraliser la maladie iatrogène continueront à avoir un effet paradoxal. Elles rendront cette maladie médicalement incurable encore plus insidieuse. Toutes ces affirmations sont démontrées point par point avec un usage très important d’articles scientifiques et de références variées. Pour chaque maladie qui a touché l’Europe, il montre que la médecine s’est fait la réputation d’avoir résolu ces fléaux alors que celle-ci est non fondée. En cela, il faut s’appuyer sur ce que l’on nomme la thèse de Mac Keowm, historien britannique qui affirme qu’il fallut attendre la seconde guerre mondiale pour qu’il y ait une réelle étiologie de la tuberculose. Cependant, à cette époque, la mortalité due à cette maladie avait déjà énormément chuté. Ainsi, sans action médicale mais par une simple amélioration du mode de vie et d’hygiène, cette redoutable maladie avait reculé. Que pourrait dire Ivan Illich de la médicalisation actuelle à outrance de chaque période de la vie d’un individu ? Que penserait-il de nos maisons de retraite et centres de gériatrie pourvoyeuses de médicaments et produits chimiques divers, pour le confort soi-disant des soignés et soignants ? Il ne pourrait que constater que, certes nous vieillissons plus longtemps mais, pas franchement en bonne santé. Souvenons-nous de cette belle chanson de Jean Ferrat écrite un peu à la même époque que celle d’ Ivan Illich : « la montagne » Cet auteur n’affirmait-il pas en 1961 : « il faut savoir ce que l’on aime et rentrer dans son HLM manger du poulet aux hormones ? Et un peu plus loin en parlant de cette « montagne » : « Qu’elle faisait des centenaires à ne plus que savoir en faire s’ils ne nous tournaient pas la tête » La question qui obsédait Illich était la suivante : Quel type de société voulons-nous pour nous et nos enfants ? Pourquoi toujours plus de croissance alors que cette course même réduit notre vie à un « métro-boulot-dodo » ? Une société basée sur la simplicité, la sobriété en quoi serait- elle une société archaïque ? Un matériel fait pour durer, une production locale de biens agricoles ou artisanaux ne vaudraient-ils pas moins que ce que l’on nous présente actuellement ? La décroissance telle que l’envisage Illich n’est pas une régression mais un épanouissement de l’humain sur le plan sanitaire, social, économique. Si cela s’inscrit dans un réel mouvement humaniste, comme Faire Reverdir le Sahel, nous allons en droite ligne sur les chemins d’une société plus juste, plus forte et plus fraternelle. Bernard Burlet POUR EN SAVOIR PLUS : Pierre Rabhi, un élève d’Ivan Illich ?