La diète cétogène : maigrir…mais à quel prix ? La diète cétogène : maigrir…mais à quel prix ? ©2019 Danièle Starenkyj Historique: En 1911, deux médecins français, puis en 1920, deux Américains — un ostéopathe (Dr Hugh W. Conklin) et un cultiste, gourou de la forme physique (Bernarr Macfadden) — décident de traiter des enfants souffrant d’ÉPILEPSIE IRRÉDUCTIBLE – ne répondant à aucun traitement disponible — avec une ration de famine. Le jeûne qui, à l’époque était un moyen de traiter toutes les maladies, devient un traitement de choix de l’épilepsie infantile : après deux à trois jours de jeûne et de restriction presque totale en eau, les convulsions diminuent, ou disparaissent, régulièrement. En 1921, Woodyatt observe que des sujets normaux, mais en état de famine, produisent de l’acétone et l’acide bêta-hydroxybutyrique ; ces produits apparaissent aussi lors d’un régime insuffisant en hydrates de carbone (glucides) et trop riche en lipides (graisses). Simultanément, le Dr Wilder de la clinique Mayo propose que les effets du jeûne dans le traitement de l’épilepsie irréductible – dont la production d’acétone et d’acide hydroxybutyrique — puissent être obtenus autrement, et présente une DIÈTE CÉTOGÈNE, plus facile à poursuivre au long court que le jeûne total sur quelques jours. Entre 1941 et 1980, la diète cétogène est présentée comme un traitement de l’épilepsie irréductible qui donne approximativement les résultats suivants : 50 % des enfants n’ont plus de convulsions et 27 % connaissent une amélioration. La diète cétogène pour le traitement de l’épilepsie irréductible devait être délaissée lors de la survenue des nouveaux médicaments antiépileptiques. Dans les années 1990, la diète cétogène revient à l’avant plan du traitement de l’épilepsie irréductible chez un petit garçon Charlie dont la guérison fut le thème d’un film qui émut le public tant français qu’américain : FIRST DO NO HARM, 1997. Aujourd’hui, la diète cétogène est disponible dans presque tous les grands hôpitaux pour enfants. Mais alors que les enfants épileptiques réfractaires à tout autre traitement réagissent positivement à la diète cétogène, ils perdent aussi du poids… et c’est ainsi qu’une diète conçue pour des applications cliniques spécifiques est devenue au 21e siècle, LE NOUVEAU RÉGIME MIRACLE POUR MAIGRIR ! UNE DIÈTE MÉDICALE AVEC DE SÉRIEUX RISQUES Des études sur les effets à plus long terme des diètes cétogènes (elles présentent plusieurs variations sur le même thème) ont été faites sur des enfants épileptiques irréductibles ou sur des animaux de laboratoires (souris, rats), mais plus récemment aussi sur des humains adultes. La diète cétogène ou KETO recommande 165 g de gras, 75 g de protéines et moins de 20 à 50 g de glucides par jour – attention une seule banane donne environ 27 g de glucides ! LES RISQUES KETO : →1. Des carences en nutriments essentiels. Donc, dans cette diète, pas question de manger les 10 fruits et légumes quotidiens essentiels pour une bonne santé préconisés par le GUIDE ALIMENTAIRE CANADIEN. Il n’est pas surprenant qu’une alimentation dépourvue de céréales, légumineuses, fruits et légumes présentent des carences nutritionnelles en vitamine A, vitamine C, vitamine D, vitamine E, vitamines B, et particulièrement en acide folique ; et en minéraux et oligoéléments : calcium, fer, sélénium, magnésium, phosphore, etc. → 2. Des problèmes de foie. La fabrication des corps cétoniques se fait à partir des graisses stockées dans le foie. Avec jusqu’à 90 % des calories tirées des graisses, le foie a un énorme travail à faire et il peut développer une STÉATOSE hépatique non alcoolique qui s’accompagne d’inflammation hépatique et qui peut produire une résistance à l’insuline. → 3. Des problèmes de rein. Les reins métabolisent les protéines et la diète cétogène peut les surcharger. La diète cétogène produit une hypercalciurie (excès de calcium dans les urines), une hypocitraturie (le citrate est chélateur du calcium, et une insuffisance de citrate augmente la fabrication de cristaux urinaires) et une acidurie (trop d’acide dans les urines) qui sont des facteurs de risque pour les CALCULS rénaux (pierres au rein). → 4.Des pensées floues et des sautes d’humeur. La confusion et l’irritabilité sont courantes : le cerveau a besoin d’une abondance de glucose en provenance des hydrates de carbone complexes riches en fibres pour fonctionner de façon optimale. L’état de CÉTOSE est un état anormal qui accompagne la famine, le jeûne, et la privation extrême de glucides (hydrates de carbone), qui sont tous des états anormaux, des états de misère et de souffrance extrêmes débouchant non sur la vie mais sur la mort… car il faut manger pour vivre ! → 5. La dyslipidémie. Tout ce gras, et particulièrement celui tiré des produits animaux (fromage dur, crème, beurre, bœuf, porc, bacon) entraîne une hypercholestérolémie, facteur incontournable des maladies CARDIOVASCULAIRES. → 6. La déshydratation. Le métabolisme des graisses et des protéines – contrairement à celui des hydrates de carbone – exige beaucoup d’eau. De plus, la diète cétogène est souvent accompagnée d’une restriction hydrique. La déshydratation pose des risques sérieux de fatigue, d’hyperviscosité sanguine (sang épais) liée à la fabrication de caillots responsables d’AVC, de dépression, de déclenchement de la douleur, de vieillissement prématuré. → 7. La dysménorrhée /aménorrhée. En état de famine, de jeûne ou de restriction calorique extrême (anorexie), les règles deviennent difficiles ou douloureuses, puis l’ovulation cesse, les règles disparaissent, et l’INFÉCONDITÉ s’installe. → 8. Des désordres gastro-intestinaux. Le REFLUX gastro-œsophagien survient. Les graisses diminuent la force du sphincter œsophagien, réduisent le volume gastrique et ralentissent le travail intestinal majoré par l’absence de fibres, cause d’une constipation opiniâtre. La diète cétogène est plus pauvre en fibres que le régime moderne à base d’aliments ultratransformés. → 9. Une altération de la croissance. La diète cétogène produit chez les rats qui y sont soumis faiblesse, émaciation, sous-développement du cerveau, et altération de la CROISSANCE. L’ajout de son de blé à la diète cétogène a renversé ces effets délétères. Dans une autre étude animale, la diète cétogène a aggravé la neuro-dégénérescence et la détérioration des mitochondries – celles-ci préservant la santé cérébrale. → 10. Une diminution de la densité osseuse. La perte osseuse est accélérée chez les patients qui suivent une diète cétogène – l’acidose entraîne des pertes de calcium élevées dans les urines. Si la diète cétogène traite l’épilepsie irréductible, elle affecte le squelette et ralentit la croissance des enfants qui y sont soumis. Voici la conclusion d’une étude : « La santé osseuse des enfants avec une épilepsie irréductible suivant une diète cétogène était médiocre. Le régime keto a produit une perte osseuse progressive du contenu minéral osseux. » Attention : les adultes qui suivent cette diète risque d’accélérer la survenue de l’OSTÉOPOROSE. → 11. Le MICROBIOTE et la diète cétogène. Faut-il l’oublier, le nier, le démentir ? Ce sont les fibres, les prébiotiques, qui nourrissent le microbiote (notre deuxième cerveau), et permettent son activité favorable optimale. Impossible de le cacher, un régime riche en graisses (fromages) et en protéines (viandes) produit un microbiote à la diversité réduite et dominé par les Bactéroïdes, mais pauvre en Prevotella, ces bactéries saines et fortes qui jouissent d’une alimentation riche en végétaux. Un microbiote pauvre en bactéries Prevotella est à l’amont des maladies modernes dites non transmissibles : obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, cancers, troubles du système nerveux central (anxiété, dépression), maladies inflammatoires de l’intestin, polyarthrite rhumatoïde. Lors d’un changement brusque de régime – d’un régime normal en hydrates de carbone complexes à une diète cétogène — il y augmentation des biomarqueurs de l’inflammation, l’INFLAMMATION étant le lit de toutes les maladies. Alors… concluons. La diète cétogène originale est une diète médicale ciblant l’épilepsie irréductible avec des résultats positifs dans 50 % des cas environ mais, la médecine ne le nie pas, avec des effets secondaires précis rapportés dans la littérature médicale. La suivre pour tout simplement maigrir risque de se retourner contre ses adeptes en introduisant de nouvelles problématiques enracinées dans notre intestin et touchant notre microbiote. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Nous en reparlerons dans notre prochain blogue. ©2019 Danièle Starenkyj Publications Orion RÉFÉRENCES GÉNÉRALES *Wheless J.W., History of the ketogenic diet, Epilepsia, 49, 8, 3-5, 2008. *Kosinski C., Jornayvaz F.R., Diètes cétogènes : la solution miracle ? Rev, Med Suisse, 13, 1145-1147, 2017. *Havard Health Publishing, Should you try the keto diet ? It’s advertized as a weight-loss wonder, but this eating plan is actually a medical diet that comes with serious risks, octobre 2018. *Kosso E.H., Wang H.S., Dietary therapies for epilepsy, Biomed J, 36, 1, 2-8, janvier-février 2013. *Swink T.D., et coll., The ketogenic diet : 1997, Adv Pediatr, 44, 297-329, 1997. *Kosinski C., Jornayvaz, Effects of Ketogenic Diets on Cardiovascular Risk Factors : Evidence from Animal and Human Studies, Nutrients, 9, 5, 19 mai 2017. *Darnis D., Le régime cétogène, une approche diététique de l’épilepsie, Doctorat en pharmacie, CHU de Nantes, 2012. *Lauritzen K.H., et coll., A ketogenic diet accelerates neurodegeneration in mice with induced mitochondrial DNA toxicity in the forebrain, Neurobiol Aging, 48, 34-47, décembre 2016. *Liskiewicz A.D., et coll., The modification of the ketogenic diet mitigates its stunting effects in rodents, Appl Physiol Nutr Metabol, 43, 2, 203-210, février 2018. *Simm P.j., et coll., The effect of the ketogenic diet on the developping skeleton, Epilepsy Res, 136, 62-66, octobre 2017. *Berggvist A.G., et coll., Progressive bone mineral content loss in children with intractable epilepsy treated with the ketogenic diet, Am J Clin Nutr, 88, 6, 1678-1684, décembre 2008. *Murphy E.A., et coll., Influence of High-Fat-Diet on Gut Microbiota : A Driving Force for Chronic Disease Risk, Curr Opin Clin Nutr Metab Care, 18,5, 515, septembre 2015. *Wan Y., et coll., Effects of dietary fat on gut microbiota and faecal metabolites, and their relationship with cardiometabolic risk factors : a 6-month randomised controlled-feeding trial, Gut microbiota, BMJ, 2019.