De la difficulté d’être ministre de l’Environnement Nicole Bricq prend la tête du ministère de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie. Sénatrice élue de Seine-et-Marne, spécialiste des finances et du développement durable, elle dispose d’un ministère élargi pour régler les nombreux dossiers en cours. La tâche de la nouvelle ministre ne sera pas aisée, comme en témoignent ses prédécesseurs. Article réalisé par Béatrice Héraud et Véronique Smée pour Novethic le 17 05 2012 Nicole Bricq Cadre de direction de profession, députée puis sénatrice de Seine-et-Marne depuis le 26 septembre 2004, Nicole Bricq était vice-présidente de la Commission des Finances, et soutien important de François Hollande depuis 2009. Elle a notamment défendu un projet de taxe sur les transactions financières dans la loi de Finances 2012, initiative qui avait rallié des sénateurs de tous bords. La nouvelle ministre de l’écologie sera épaulée par un ministre délégué aux transports et à l’économie maritime, Frédéric Cuviller, député-Maire de Boulogne-sur-Mer, membre de la commission du Développement durable à l’Assemblée. Alors que la nomination de Cécile Duflot semblait acquise, c’est finalement une élue socialiste qui a été préférée à un membre d’EELV-Les Verts. De fait, nommer un Vert au ministère de l’Ecologie ne faisait pas l’unanimité. Pour les ONG environnementales, c’est d’abord un ministère fort, aux pouvoirs élargis et dont le responsable bénéficie d’une écoute politique et présidentielle qui permettrait à l’environnement d’être traité à sa juste importance (voir encadré). Ce qui semble a priori être le cas avec un ministère comprenant l’écologie, le développement durable (bien que l’on ne sache pas encore ce qui est défini par « développement durable » ) et l’énergie. Le logement et l’aménagement du territoire sont en revanche inclus dans le ministère de Cécile Duflot, nommée ministre à « l’Egalité des territoires et au logement »- . Le WWF a salué jeudi soir la nomination de Nicole Bricq, qui « représente un gage de sérieux et de crédibilité pour mieux intégrer l’environnement au cœur du budget et des politiques publiques. » Pour EELV , « le Président de la République et le Premier Ministre ont souhaité placer l’écologie au coeur de l’action gouvernementale. Le périmètre du Ministère de l’écologie a été confirmé et des responsabilités ministérielles très importantes ont été confiées aux écologistes »se félicitent lesVerts. Inclure l’énergie dans le périmètre de l’écologie constitue de fait un signal fort, en ligne avec le projet de « transition énergétique » sur lequel s’est engagé François Hollande et qui devrait satisfaire les écologistes…Rappelons que son prédécesseur avait séparé écologie et énergie, confiant à Eric Besson un ministère regroupant l’industrie, l’énergie et de l’économie numérique. Conférence environnementale En revanche, le nouveau ministère de l’écologie n’est pas « numéro deux » comme le souhaitait France Nature Environnement dans son « appel des 3000 », insistant sur la nécessité de faire du ministère de l’écologie un ministre d’Etat, numéro 2 du gouvernement et incluant l’environnement, l’aménagement du territoire, le climat, la biodiversité, l’énergie, le logement, les transports, la forêt, la mer et la pêche. Si en théorie les ministères n’ont pas de rang ou de hiérarchie dans le gouvernement de François Hollande, l’annonce faite par le Secrétaire général de l’Elysée a débuté par la nomination de Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, puis Vincent Peillon, ministre de l’éducation, Christiane Taubira, ministre de la Justice et Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Quoi qu’il en soit, François Hollande s’est s’engagé à reformer dès le début de son mandat une « conférence environnementale » chargée de définir un agenda, des priorités, des objectifs mais aussi « des méthodes pour les atteindre et des indicateurs pour en permettre l’évaluation ». Il entend également placer le dialogue environnemental au « même niveau que le dialogue social » et accorder de nouvelles compétences environnementales aux élus locaux, là encore dans cette idée de gouvernance. La tâche de Nicole Bricq ne sera pas facile, loin s’en faut. Quid des lois Grenelle ? Du moratoire sur les OGM et de la réduction des pesticides ? Du mix énergétique ? Des questions de santé et d’environnement ? Autant de sujets qui préoccupent de nombreux Français. Ses prédécesseurs, de droite comme de gauche, le disaient eux-mêmes. En début de campagne, lors du 36ème congrès de FNE le 28 janvier dernier, Dominique Voynet, Serge Lepeltier et Jean-Louis Borloo donnaient leur vision du poste. Et le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas de tout repos… Un ministère « pas comme les autres » Car le ministre de l’Environnement n’est pas à la tête d’un ministère « comme les autres » selon Serge Lepeltier, ministre de l’Ecologie et du développement durable sous le troisième gouvernement de Jean-Pierre Raffarin entre 2004 et 2005. « L’écologie est un sujet transversal qui concerne tous les autres secteurs. Et le ministre doit aussi être un militant de l’écologie -même s’il ne l’a pas été auparavant- puisque la quasi-totalité des autres ministres sont contre l’écologie », estime celui qui est devenu l’ambassadeur français en charge des négociations climatiques. Résultat : son bilan « ne peut s’évaluer à l’aune de ce qu’il a pu faire mais aux mauvais arbitrages qu’il a pu faire échouer. Le ministre de l’Environnement est celui qui embête ; minoritaire, il est balayé d’une pichenette au gré des arbitrages interministériels. », juge Dominique Voynet l’ex-ministre de l’Aménagement et du territoire et de l’Environnement sous le gouvernement Jospin (1997-2001) et première personnalité issue des Verts à entrer dans un gouvernement. « Ce qui nous a manqué c’est un grand lobby de l’environnement » déplore celle qui, à l’époque, avait dû essuyer les critiques tant du côté des chasseurs que du côté des écologistes. Aujourd’hui, « même si le contexte a changé, le poste reste toujours extrêmement difficile », souligne celle qui dit avoir soutenu ces successeurs, même de droite, dans les combats qu’elles ont pu mener comme Chantal Jouanno et Nathalie Kosciusko-Morizet sur les OGM. Une solidarité partagée par Jean-Louis Borloo : « quel que soit le camp du prochain gouvernement, le ministre de l’Environnement pourra compter sur moi » assure le premier (et le seul jusqu’à présent) ministre de l’Environnement à avoir accéder au rang de n°2 du gouvernement sous la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2010). Et qui sait à qui il doit cette ascension dans l’ordre protocolaire : « s’il n’y avait pas eu le Pacte écologique, il n’y aurait pas eu ce ministère… » Un ministère à géométrie variable Si la tâche du ministre est aussi ardue, ce n’est peut-être pas non plus sans rapport avec le périmètre à géométrie variable d’un ministère qui n’a cessé de changer de nom –et peut-être d’importance- en fonction des compétences ajoutées ou enlevées… « Le territoire du ministère a beaucoup évolué : Dominique Voynet a connu la première extension avec l’Aménagement puis Jacques Chirac en a fait le ministère de l’Ecologie et du Développement Durable et enfin Jean-Louis Borloo a connu la fusion entre l’Ecologie et de l’Equipement…la structure du ministère donne aujourd’hui au ministre beaucoup de poids », estime Serge Lepeltier. « Il est nécessaire que le ministère comprenne à la fois des compétences dans le domaine de l’Industrie, de l’énergie, du transport, de l’urbanisme, de l’agriculture et du logement, auquel cas, il ne participera pas à l’évolution nécessaire du pays. Sur ces sujets, il doit avoir plein pouvoirs, en dessous de ça, il ne s’agira que d’un ministère d’opposition. Il doit aussi être élargit à la mer et aux océans », renchérit Jean-Louis Borloo. « Ce ministère doit être techniquement le plus puissant. Il est vital que le prochain responsable ne revienne pas à un ministère de l’Ecologie ancienne version », continue-t-il. Pourtant, dans le dernier ministère de la présidence Sarkozy, sous la direction de NKM, celui-ci avait perdu sa compétence sur l’Energie au sens large pour ne conserver que celle sur les énergies renouvelables… « Quand l’énergie est sortie du périmètre, cela a été une erreur majeure car il est indispensable de l’y intégrer si l’on veut réussir la transition énergétique », assure l’ancien ministre. Pour Dominique Voynet, la seule manière d’avoir une « une vision gouvernementale cohérente sur le sujet » serait alors d’avoir « un Premier ministre dont l’écologie ferait partie intégrante de sa feuille de route. Mais on en est loin. » La fin du dernier ministère de l’Environnement lui aura donné raison : devenue porte-parole du candidat président Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet a laissé la responsabilité du ministère au Premier ministre en mars 2012. Ce qui, dans les faits s’est davantage traduit par une vacance du poste. Béatrice Héraud et Véronique Smée © 2012 Novethic – Tous droits réservés