A la découverte des plantes à cannabinoïdes Photo Wikipédia lin en fleurs – Par Dr Gilles Corjon – Que sont les cannabinoïdes ? Ce sont des composés lipophiles qui activent les récepteurs cannabinoïdes présents dans le corps humain . L’ensemble de ces récepteurs est l’une des composantes primaires du système endocannabinoïde ( EC) . Le système EC est impliqué dans plusieurs voies de signalisation intracellulaires et pourrait exercer une multitude de fonctions dans des domaines aussi divers que la régulation de l’appétit, la perception des informations sensorielles ou celles relatives à la douleur ainsi que dans la modulation des phénomènes inflammatoires. On peut distinguer trois sortes de composés cannabinoïdes: ceux qui sont produits par les plantes ou phytocannabinoïdes, ceux produits par le corps lui-même ou endocannabinoïdes et les molécules synthétisées en laboratoire appelées cannabinoïdes de synthèse. Nous nous intéresserons ici seulement aux phytocannabinoïdes. Les adeptes du cannabis connaissent ou ont entendu parler des principaux cannabinoïdes synthétisés par la plante de cannabis (Cannabis sativa L.) comme le THC ( tétrahydrocannabinol) , le CBD ( cannabidiol) , le CBN ( cannabinol) ou le CBC ( cannabichromène) …Au total , le cannabis fabrique plus d’une centaine de composés cannabinoïdes qui , pour rappel, ne sont pas de vrais alcaloïdes mais des substances très lipophiles produites par des glandes spécialisées ( trichomes) présentes sur toutes les parties aériennes de la plante et en particulier sur les fleurs de cannabis. Ces composés agissent par l’intermédiaire de deux récepteurs CB1et CB2 qui sont naturellement activés par les endocannabinoïdes. Les récepteurs CB1 sont majoritairement présents au niveau du cerveau et relaient les effets psycho-actifs du cannabis mais expriment également de nombreux effets périphériques. Les récepteurs CB2 prédominent dans les cellules du système immunitaire et interviennent notamment dans la régulation de la réponse immune et inflammatoire. Il existe un très grand nombre de souches différentes de cannabis. Certaines souches favorisent la détente et la relaxation alors que d’autres vous donneront davantage d’énergie. La distinction entre ces effets est certainement liée à la composition chimique complexe de ces souches dans lesquelles le ratio des composés cannabinoïdes est différent et de surcroit modulée par la présence d’autres molécules comme les terpènes et les terpénoïdes capables également d’interagir avec le système endocannabinoïde. Au cours de ces dernières années de recherches , deux découvertes ont profondément modifié notre compréhension des cannabinoïdes et de leurs récepteurs: D’autres plantes que le cannabis peuvent produire des cannabinoïdes – En plus des cannabinoïdes classiques, il existe d’autres composés associés comme les terpènes qui agissent aussi sur les récepteurs mais qui ne partagent pas la même structure chimique et que l’on appelle les cannabimimétiques. Voici quelques exemples de plantes qui fabriquent des phytocannabinoïdes: Des cannabinoïdes tels que le CBG ( cannabigérol) , le CBC ( cannabichromène) , le CBL ( cannabicyclol) ou le TCC ( cannabicitran) ont été découverts dans le rhododendron chinois ( Rhododendron anthropogonoides), dans des hépatiques de Nouvelle Zélande ( Radula marginata) et dans une immortelle originaire d’Afrique du Sud ( Helichrysum umbraculigerum) . En 2012, des chercheurs polonais ont découvert que les graines de lin pouvaient contenir du CBD ( cannabidiol) ou un composé cannabinoïde très similaire au CBD. Des analyses plus complètes ont révélé que d’autres parties du lin (Linum usitatissimum) comme les feuilles , les fibres ou les tourteaux pouvaient également contenir des composés CDB. Certains auteurs ont également affirmé que la présence de CDB pourrait expliquer les actions anti-inflammatoires du lin parce que le CDB est un cannabinoïde non psycho-actif qui stimulerait préférentiellement les récepteurs CB2. Cependant, le mécanisme d’action de la CDB n’est pas encore parfaitement connu et il est possible que ce composé soit un modulateur de l’expression du système endocannabinoïde sans pour autant activer les classiques récepteurs CB1 et CB2. Plantes à composés cannabimimétiques: Parmi les dizaines de composés qui agissent directement ou indirectement sur le système endocannabinoïde, il faut citer les N-acétyléthanolamides ( NAE)et les N-alkylamides que l’on trouve dans plusieurs espèces d’échinacées ( Echinacea purpurea, Echinacea pallida, Echinacea augustifolia) et qui expliquent en partie les propriétés anti-inflammatoires et immunomodulantes des extraits de plante fraîche d’Echinacea. Le cacao (Theobroma cacao) contient également des composés de type NAE qui affectent le système endocannabinoïde en limitant la dégradation d’un endocannabinoïde appelé anandamide. Le bêta-caryophyllène ou E-BCP Dans un grand nombre de végétaux aromatiques comme le poivre noir, l’origan, le clou de girofle, le romarin , le houblon ou le basilic, on trouve de nombreux composés terpéniques dont un sesquiterpène ( terpène à 15 atomes de carbone) appelé bêta-caryophyllène ouE- BCP. Ce composé est d’ailleurs présent dans le cannabis et sa forme oxydée ( l’oxyde de bêta-caryophyllène) a une odeur que les chiens détecteurs de drogue ont appris à reconnaître. Les chercheurs expliquent que l’E-BCP se fixe sélectivement sur les récepteurs CB2 des cannabinoïdes et modifie le comportement cellulaire en enrayant la production de plusieurs substances à caractère inflammatoire. Des chercheurs de l’Université de Bonn et de l’ETH (Swiss Federal Institute of Technology) de Zurich ont démontré l’activité anti-inflammatoire du béta-caryophyllène sur des souris et suggèrent que ce composé terpénique pourrait également agir favorablement sur d’autres maladies comme l’artériosclérose et l’ostéoporose. Une autre source naturelle de béta-caryophyllène est l’huile essentielle de copahu ( Copaifera officinalis ) qui en contient plus de 40%. Appelé copaïba par les indiens du Brésil, cette oléorésine servait à cicatriser les blessures. Il faut noter que le béta-caryophyllène qui possède également un pouvoir analgésique similaire à la procaïne , pourrait expliquer les propriétés analgésiques du clou de girofle. Au final, à travers la découverte des plantes à cannabinoïdes ou à composés cannabimimétiques, nous percevons mieux l’importance du système endocannabinoïde pour maintenir l’équilibre et la santé générale. Le professeur Andreas Zimmer de l’Université de Bonn insiste sur ce fait: « en cas d’inflammation, les endocannabinoïdes s’assurent que le système immunitaire ne va pas s’emballer au détriment de sa réaction défensive ». Une meilleure connaissance des phytocannabinoïdes et de l’E-BCP pourrait être à la base de nouveaux médicaments bien tolérés et pourrait également valider les bienfaits de la consommation quotidienne d’herbes aromatiques et d’épices qui protègent l’organisme contre l’inflammation chronique. Gilles Corjon