La bétoine : l’herbe à la saignée L’herbe à la saignée désigne communément une des plantes médicinales les plus réputées en France, c’est-à-dire l’achillée millefeuille mais en Dauphiné, c’est le nom populaire que l’on donne à la bétoine ou Epiaire officinale (Stachys officinalis) . Vous connaissez surement cette jolie Lamiacée vivace commune dans les bois clairs, les bords de chemins ou les pâturages d’altitude. Ses tiges carrées se terminent par un épi dense de fleurs roses ou pourpres tandis que les feuilles basales longuement pétiolées, ovales et allongées se caractérisent par des nervures très marquées et une marge profondément dentée et crénelée. Cette plante connue depuis l’Antiquité a bénéficiée d’une réputation prestigieuse autant pour ses vertus guérisseuses que pour ses pouvoirs magiques. Le nom de bétoine pourrait avoir pour origine les Vettones ,des habitants de la Lusitanie qui ont répandu son usage pendant le Moyen-âge ou bien provenir du celte bew (tête) et ton (bon) ce qui signifie « bon pour la tête ». Du reste, la bétoine a été utilisée jusqu’au XIXème siècle pour soigner les migraines, les vertiges et la paralysie. Beaucoup d’ouvrages nous parlent de son utilisation magique et notamment celui de Ste Hildegarde de Bingen : « qui est habituellement torturé par les mauvais rêves, prendra de la bétoine avec soi en allant se coucher et pendant son sommeil, et il remarquera qu’il est moins sujet aux fantasmagories des rêves » Les anciennes pharmacopées préconisaient la bétoine comme un vulnéraire efficace par voie externe mais surtout par voie interne pour combattre l’épilepsie et les « maladies du cerveau ».Ainsi, on utilisait la bétoine dans des poudres sternutatoires pour « dégager le cerveau » et calmer les maux de tête ou bien on appliquait un cataplasme de bétoine pilée sur la tête préalablement rasée pour calmer le délire. Il est probable que ces indications reposaient sur la fameuse « théorie des signatures » : les fleurs de cette plante sont toutes regroupées en épis terminal évoquant un usage possible pour les maux touchant la tête et le cerveau… De nos jours, on ne considère plus la bétoine comme une panacée mais on lui reconnait des propriétés béchiques, expectorantes ce qui la fait indiquer en particulier dans le soin des sinusites sèches chroniques. On lui reconnait également des propriétés légèrement sédatives et toniques circulatoires à prédominance cérébrale. Par ailleurs, les parties aériennes constituent un bon remède digestif, stimulant et dépuratif. En Dauphiné, l’herbe à la saignée porte ce nom parce qu’on en fait une tisane destinée à « laver le sang ». Je me souviens que lorsque j’étais enfant et que je passais mes vacances d’été à la ferme dans nos montagnes près de Chamrousse , on allait en ramasser. La saignée c’est bon quand on a le « sang trop épais » et qu’on a la tête lourde me racontait la fermière. Aujourd’hui en herboristerie, j’utilise souvent la bétoine que j’associe avec l’aubépine et l’olivier pour aider les personnes hypertendues et migraineuses. Il est dommage que l’on ne dispose pas de plus d’études sur cette plante digne d’intérêt. On sait cependant que les parties aériennes contiennent des tanins, un complexe de glucosides, une lactone appelée stachydrine et sans doute de l’acide lithospermique que l’on retrouve dans d’autres Epiaires ( Stachys sylvatica, Stachys palustris) et dans certaines Borraginacées comme le grémil. Compte tenu de son action utérotonique, cette plante n’est pas recommandée pendant la grossesse et il ne faut pas consommer la racine fraîche qui peut provoquer des nausées accompagnées de vomissements. Pour terminer, je vous livre la recette d’un vin médicinal utile pour lutter contre les maux de tête et la tension nerveuse à consommer avec modération (un petit verre à liqueur par jour) sous peine de provoquer des effets inverses. 25 g de parties aériennes fleuries de bétoine 25 g de verveine officinale (Verbena officinalis) 10 g d’hysope Laisser macérer l’ensemble des plantes dans 75 cl de vin blanc pendant au moins deux semaines.