Le hêtre : le « bellâtre » de la forêt Si le chêne est un modèle de majesté, de force et de convivialité, il en est tout autrement pour le hêtre qui est au second rang de la forêt française derrière son éternel rival. Pour autant, le fayard de nos campagnes et surtout de nos montagnes qui a donné son nom à tant de lieux-dits a toujours aiguisé l’imagination populaire. Apprenons à mieux le connaître et à le distinguer du charme avec lequel on le confond parfois. Nos amis les arbres Le miracle de la vie s’accomplit tous les jours sous nos yeux. Mais savons nous l’apprécier ? Les vérités éternelles sont inscrites dans tous les phénomènes de la vie, mais il faut apprendre à les lire. Il n’est jamais trop tard pour commencer. Rassurez vous, à l’Ecole de la Nature, les classes ne sont pas surchargées, la source, la pierre, et l’arbre seront toujours disponibles pour vous accueillir. Depuis la nuit des temps, les hommes et les arbres ont su entretenir des rapports étroits. Pour un homme attentif, l’arbre est autre chose qu’un objet de décor ; c’est un être vivant qui témoigne d’un dialogue possible entre terre et ciel. Le hêtre (Fagus sylvatica) appelé communément fayard est un arbre élevé, atteignant 30 à 40 mètres de haut à tronc droit cylindrique. Avec son port altier, sa cime régulière, son tronc lisse à l’écorce brillante, il ne manque pas d’allure et pourrait passer pour le « Play boy » de la forêt. Ce raffinement va jusque dans ses jeunes feuilles recouvertes d’un duvet soyeux. Cette élégance hautaine va de pair avec un comportement pour le moins intolérant, voire tyrannique. En mélange avec des essences de lumière, il tend proprement à les éliminer, car la frondaison du hêtre intercepte une bonne partie du rayonnement solaire. La hêtraie pure est une forêt sombre où croissent peu de plantes. Quelle différence de caractère avec le chêne ! Pourtant cet esprit de domination cache des faiblesses. Tout d’abord une enfance difficile. Le jeune hêtre est un plant très délicat avec deux feuilles vert tendre qu’un rayon de soleil ou une nuit trop froide suffisent à tuer. C’est grâce à l’écran protecteur des grands arbres tels que les mélèzes, sapins, charmes …que les jeunes hêtres peuvent grandir, on les dit « sciaphiles » car ils ont besoin de l’ombre pour développer leurs bourgeons. Autres faiblesse, l’écorce est fragile, les arbres sont peu enracinés et la floraison précoce l’expose davantage aux gelées. Mais pour se donner un sentiment de sécurité, pour se protéger, on se comporte de manière hautaine et on rend la vie impossible autour de soi. Ne soyons pas trop dur, le hêtre n’est pas complètement asocial, on le trouvera associé au chêne rouvre, au charme à l’étage collinéen et à l’étage montagnard, il aime vivre dans l’atmosphère humide des sapins ou des épicéas. Mais sous ses frondaisons, il y a peu de monde, surtout lorsque la hêtraie est dense . Seuls le houx, le lierre grimpant et le petit houx supportent sa domination. D’un point de vue phytosociologique ( en écologie , on s’intéresse à la façon dont les espèces végétales vivent en population et comment ces peuplements peuvent évoluer dans le temps), nous pouvons distinguer deux types de hêtraies : la hêtraie calcicole qui s’implante directement sur des affleurements calcaires et la hêtraie silicique sur terrain acide en milieu humide. Notons que la hêtraie silicique constitue le stade terminal de l’évolution forestière. Dans les deux cas nous trouvons, bien que peu nombreuses, d’intéressantes plantes aux vertus thérapeutiques qui accompagnent le hêtre. Citons la belle mélitte à feuilles de mélisse (Melittis mélissophyllum) et son origine grecque (melitta=abeille) aux propriétés antispasmodiques et anti-inflammatoires. Cette plante peut avoir un effet favorable sur la fluidité sanguine, propriété que nous retrouvons chez une médicinale bien connue poussant sous hêtraie silicique : l’aspérule odorante ( Galium odoratum). Cette petite Rubiaceae aux fleurs blanches doit être cueillie au mois de mai et développe au séchage une odeur agréable de foin coupé rappelant certains tabacs pour pipe et liée à la présence de dérivés coumariniques. Vous en ferez des tisanes au goût agréable, capables de soulager un foie malmené par une alimentation trop surchargée et par des émotions mal contrôlées ou mal assimilées. Sous forme d’infusé ou de vin d’aspérule consommé avec modération, cette plante s’adresse aux personnes déprimées qui ont perdu enthousiasme, joie de vivre et le sommeil. Moins connue est la sanicle (Sanicula europea) du latin « sanare »qui signifie guérir, redonner la santé. C’est une des rares Apiaceae (Ombellifères) à pouvoir résister à l’ombre de la hêtraie. Son usage s’est perdu de nos jours alors que l’extrait de ses feuilles possède un pouvoir antifongique qui mériterait d’être évalué sur les candidoses digestives ou génitales. Mais ces plantes ne doivent pas nous faire oublier le hêtre lui-même. Son intérêt alimentaire est occasionnel pour l’homme mais pas pour le geai qui en consommant le fruit du hêtre(les faines) contribue grandement à sa propagation. Les faines renferment une amande à la saveur délicate rappelant la noisette qui peut se manger grillée à la façon de la châtaigne. Pressée à froid, cette graine peut fournir une huile savoureuse qui a connu son heure de gloire autrefois dans les campagnes et les chalets d’alpages. L’homme peut remercier le hêtre qui lui fournit le meilleur bois de chauffage existant. Raide, mais peu résistant à la flexion, ce bois sert en menuiserie pour faire des meubles et du contre-plaqué. Pendant des siècles, il fut le matériau de choix des sabotiers et il sert encore de nos jours à la confection de jouets, cuillères, manches d’outils … LES VERTUS DU HÊTRE Bien qu’il ne soit pas un aussi grand médecin que le chêne, son écorce riche en tanins a été utilisée comme fébrifuge en tant que succédané du quinquina. Astringent, vermifuge, il constitue un bon remède en cas de diarrhées. En gemmothérapie, les bourgeons de Fagus sylvatica sous forme de macérâts glycérinés constituent un remède des états fibro-scléreux surtout au niveau respiratoire (fibrose pulmonaire idiopathique, silicose) et rénale ( néphroangiosclérose) . Les bourgeons de hêtre constituent un traitement d’appoint dans le cas d’immunité affaiblie et pour faciliter l’élimination de l’urée et de l’acide urique. En élixir floral du Dr Bach, Beech (le hêtre) est un remède qui peut nous apprendre à percevoir la beauté en toute chose et dans chaque être .La leçon du hêtre est la tolérance : chaque être évolue sur son chemin parfois tortueux comme sont les fameux faux de Verzy en fonction de sa nature propre. Sachons reconnaître qu’une attitude critique envers autrui est une protection contre nos propres imperfections. Est-il possible de voir dans nos forces et nos faiblesses une chance d’évoluer ? Pour terminer, je vous invite à vous promener au printemps ou à l’automne, à l’orée d’une hêtraie montagnarde, le spectacle est en soi une thérapeutique pour le corps et l’esprit. Souvenez vous que la nature ne livre sa richesse que proportionnellement à l’intensité du regard qui la scrute, ce qui fait dire à Peter Deunov : « la Nature amuse l’ignorant, instruit le disciple et ne se révèle que devant le sage ».