La botryche lunaire: une relique arctico -alpine La botryche lunaire est une petite fougère vivace que l’on trouve principalement dans les Alpes et les Pyrénées à l’étage montagnard et jusqu’à plus de 2500m. Aujourd’hui c’est une curiosité végétale qui n’est plus employée en thérapeutique mais dont se souviennent encore les vieux Dauphinois. Appelée langue de cerf, herbe à la lune , lunaire, herbe de bon raisin, cette fougère est nommée par les botanistes : Botrychium lunaria L. et fait partie de la famille des Ophioglossacées .C’est une plante montagnarde qui affectionne les pelouses rases sur terrains acidophiles bien exposés au soleil à partir de 1500m d’altitude. On peut la retrouver à basse altitude dans les régions arctiques de notre planète . Elle est composée d’une seule fronde stérile imparipennée à feuilles en demi-lunes d’où son nom de lunaire et d’un rameau fertile sporangifère en forme de grappe de raisin d’où son nom vernaculaire d’herbe de « bon raisin » employé par beaucoup d’anciens chartroussins. Le nom scientifique de Botrychium fait également référence au grec botrys qui signifie grappe. Cet aspect étrange et un peu mystérieux évoquant un lointain passé (certains auteurs parlent d’un « fossile vivant » ) où les plantes à fleurs n’existaient pas encore, explique peut-être les usages magiques qui ont accompagnés cette fougère singulière. En Suisse, dans le canton de Vaud la botryche avait la propriété de déferrer les chevaux qui avaient posé leurs sabots sur cette plante. Dans beaucoup de régions elle avait aussi la réputation de pouvoir ouvrir les serrures rouillées tandis que les alchimistes la ramassaient pour changer le mercure en argent. Au Moyen –âge on se servait de la botryche pour prédire l’avenir mais son usage magique le plus important était celui de pouvoir vous rendre invisible à condition de la ramasser le soir de la pleine lune. Aujourd’hui peu de gens connaissent la botryche et encore moins ses utilisations en médecine populaire car la transmission de ce savoir traditionnel s’est éteinte. Seules quelques personnes âgées se souviennent encore d’être allé ramasser au cours de leur jeunesse l’herbe de bon raisin ou l’herbe de « mal au ventre ». Ce nom vernaculaire évoque l’utilisation principale de la plante : les troubles digestifs, les coliques, la diarrhée mais aussi les « maux de ventre » des femmes c’est-à-dire les douleurs menstruelles. Faut il faire le rapprochement entre le cycle féminin basée sur les lunaisons et la « signature » lunaire de la botryche ? La plante était utilisée principalement en infusion et certaines personnes témoignent d’un usage vétérinaire notamment pour le vêlage chez les vaches et les « coliques » des bêtes. La cueillette s’effectuait en début de saison avant la fin juin au moment où les autres herbes sont encore peu développées. En effet ,le cycle de cette fougère est rapide, se flétrissant après la maturation des spores et perdant ainsi toute activité thérapeutique. Aucun usage alimentaire n’est rapporté en Chartreuse ou en Savoie mais dans le Haut Jura certaines personnes la consommait en salade… A ma connaissance la botryche n’a jamais été inscrite à aucune pharmacopée officielle et n’a fait l’objet d’aucune étude scientifique. Compte tenu des usages populaires , je ne serai pas surpris que l’on découvre des composés à action anti-spasmodique mais peut-être vaut il mieux que cette fougère lunaire garde tout son mystère…